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Le Funana
11/06/2005 15:25
Au début du 20ème siècle sur l'île de Santiago, le funana cristallisait toutes les hantises du colon portugais, déjà bien échaudé par le batuque, jugez plutôt: les paysans s'étaient appropriés les accordéons apportés par l'Eglise (essayez d'amener de grandes orgues dans l'intérieur de Santiago) pour inventer une musique minimaliste et rapide, sur laquelle les couples se trémoussaient d'une manière plus que subjective, des bagarres ou des assassinats ponctuaient régulièrement les bals. Du punk rural, de la musique de sauvages, voilà ce que les gouverneurs portugais devaient combattre.Peine perdue.
Le funana traditionnel se joue à l'accordéon, il est rythmé par le frottement d'un couteau sur une barre de fer. Le grand compositeur et interprète est Codé di Dona (ou Kodé di Dona), un vieux garde-forestier de Santiago presque totalement inconnu jusqu'à l'indépendance.
Quelques années plus tard, un jeune émigrant de retour au pays se prend de passion pour le funana et cherche à lui donner un son plus actuel, plus conforme aux aspirations électriques de la jeunesse de la capitale. Carlos Alberto Martins, dit Katchass, crée le groupe Bulimundo et adapte le funana au synthétiseur, à la batterie et à la guitare électrique. Le succès est rapide sur Santiago, puis, dans une moindre mesure, sur les autres îles et dans les communautés capverdiennes à l'étranger. Le groupe se scinde, donnant naissance à Finaçon, groupe mené par les frères Zézé et Zeca di nha Reinalda, aux aspirations plus commerciales (il décrochera avec "Teia" un tube de l'été dans quelques pays européens, ce qu'on lui pardonne à l'écoute de la merveilleuse adaptation de Fomi 47 de Kodé di Dona). En 1988, Katchass meurt brutalement à l'âge de 36 ans: le funana électrique est solidement ancré, se payant même le luxe de proposer plusieurs versions, funana rapide ou lent, funana samba, funana-coladeira, etc. Jadis isolé dans les montagnes et les campagnes de l'île, méprisé par les élites, le funana a obtenu son droit d'entrée dans les discothèques prisées de Praia.
C'en est trop pour trois jeunes de Santiago, qui replongent dans les racines du funana en réhabilitant l'accordéon et la barre de fer, tout en gardant une amplification électrique. L'accueil réservé en 1997 à leur premier album, Fundu Baxu, propulse le groupe Ferro Gaita sur les planches de la scène nationale et internationale. Dans un pays en pleine mutation politique et économique, Ferro Gaita a réussi le tour de force d'imposer un retour à un son plus proche du funana traditionnel, en se permettant quelques digressions vers la tabanka (en intégrant un joueur de buzio / lambis) et le batuque (en invitant Nacia Gomi en concert ou au studio d'enregistrement).
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