Cola, Kola, Cola-boi, Sanjon, Sanjom: autant d'appellations et de variétés pour un genre musical profondément enraciné dans les îles, puisqu'il s'agit probablement du tout premier style chanté et dansé au Cap Vert, bien avant le batuque dont il serait l'ancêtre. Elle rappelle à juste titre certaines danses africaines, il est plus que probable que son origine remonte aux premiers temps du peuplement des îles par les esclaves. On retrouve des danses similaires au Brésil ou à Cuba, et, il y a près de trois siècles, la Chegança était interdite à Lisbonne par un décret donnant une description quasi-identique à celle de la cola.
Le rythme est simple et répétitif, rapidement identifiable: écoutez un extrait tiré du morceau "Kutchi" des Irmãos Unidos, de Santo Antão.
La Cola se danse par couples, homme-femme .
Les danseurs font quelques pas chacun de leur côté puis se rejoignent en unissant leurs bassins, en simulant l'acte sexuel., puis se séparent, etc.
En 1946, le président du conseil de São Vicente interdit la cola-sanjon: "une danse, au son du tambour, exécutée par deux couples ou par quatre femmes, avec pour finalité et avec grande violence, de s'entrechoquer le ventre, pour mieux se coller, en relevant parfois la jupe pour laisser son ventre à découvert". L'écrivain Germano Almeida rapporte dans son incontournable "Cabo Verde, viagem pela historia das ilhas" que certaines femmes dansaient nues pour la plus grande joie des marins étrangers. Dans la foulée, les autorités portugaises interdirent les tambours dans la ville et l'usage de jupes trop courtes pour couvrir le genou.
Comme son nom l'indique, la Cola Sanjon est très en vogue au moins de juin, quelques jours avant la Saint-Jean, principalement sur les îles de Santo Antão, de São Vicente et de São Nicolau. De nombreuses fêtes sont organisées, le point culminant étant atteint le 24 juin. La Romaria de la Sanjon est le grand rassemblement populaire du milieu d'année. Populaire, il l'est indéniablement, il n'y a aucune véritable organisation, aucun spectacle sur scène, on se contente de respecter les traditions ancestrales.
Une messe est donnée, puis, à l'extérieur, les navizins sont bénis par le prêtre. Il s'agit de reproductions de bateaux portés à la ceinture par des danseurs, eux-mêmes encadrés par une troupe de tambours battant le rythme immuable de la Sanjon. Un jury choisit le navizin le plus réussi puis la meilleure troupe percussionniste, puis les meilleurs danseurs.
Ceux que la course de chevaux lancée un peu plus loin ne passionne pas peuvent continuer de jouer aux jeux d'argent, en misant quelques escudos sur le prochain tirage de dés: plusieurs milliers d'escudos changent de main en quelques heures, sous l'oeil indulgent de la police qui, en ce jour, a du mal à faire respecter l'interdiction frappant les jeux d'argent.
Plus tard en soirée, les feux de la SanJon sont allumés (lumnara, et l'on continue de danser au rythme des tambours et des sifflets qui ne veulent pas se taire.
Sans grand compositeur connu, les cola se transmettent de génération en génération, à l'occasion des nombreuses romarias et fêtes de saints. Sur Santo Antão, le groupe Cordas do Sol a enregistré de nombreuses colas adaptées d'anciennes chansons traditionnelles. Les Irmãos Unidos ont eux aussi produit quelques colas sur un CD nettement moins abouti.