Il est difficile de définir précisément les origines de la morna: certains les situent en Afrique, avec le lundum (ou landu) angolais, d'autres en Europe avec le fado portugais, et l'on évoque aussi la modinha brésilienne sans oublier le mourning des marins britanniques.
Tout le monde s'accorde cependant à situer son apparition sur l'île de Boa Vista, dans la seconde moitié du 19ème siècle, à une époque où la ville de Sal Rei était économiquement importante (la toute première morna serait "Brada Maria", composée en 1870).
Après quoi la morna s'exporte sur d'autres îles, et plus particulièrement sur Brava dans un premier temps, où le poète et écrivain Eugénio Tavares la reprend quasiment à son compte. Le compositeur délaisse les thèmes abordés jusque-là (vie sociale, commentaires sur certains événements, faits de société) pour s'engouffrer dans le thème de l'amour, de l'éloignement, de la mélancolie. Ce fils de colon portugais est le premier intellectuel capverdien, en pleine époque coloniale, à soutenir qu'il existe une identité créole: son audace lui vaudra un exil précipité et rocambolesque vers les Etats-Unis.
Le romancier détaillera lui-même l'évolution que subira la morna sur Brava:
« A Boa Vista, la morna ne s'intéressait pas aux thèmes sentimentaux; elle volait bas, détaillant le ridicule de chaque drame passionnel, chantant le côté caricatural de tout épisode grotesque, se moquant des fracas amoureux, soulignant la farce du pillage des bateaux naufragés, le tout dans ce style léger qui caractérise la vie nonchalante du peuple de Boa Vista, le plus heureux et le plus amoureux de tous ceux de l'archipel; musique élégante, pimentée de sourires fins et d'harmonies légères »
La morna arrive enfin sur São Vicente où elle passera par une dernière évolution: élève du grand guitariste Luis Rendall, un certain Francisco Xavier da Cruz surnommé B.Leza, se prend de passion pour la morna et rajoute sa touche personnelle, quoique sérieusement influencée par la musique brésilienne. Il s'agit de rajouter un accord intermédiaire, avec des variations de l'ordre du demi-ton, entre les accords déjà existants. Le succès est immédiat et les compositions de B.Leza sont régulièrement reprises encore aujourd'hui. Les thèmes s'élargissent, on parle d'amour comme de politique, on célèbre des personnages importants ou on s'en moque; la morna se rapproche alors un peu plus du blues, d'autant plus qu'au gré de ces transformations, le rythme s'est considérablement ralenti.
Hormis B.Leza, les grands compositeurs de mornas sont Jotamont, Sergio Frusoni ("temp d'canequinha", une merveille), Lela d'Maninha ou Ano Nobu. Plus récemment, Paulino Vieira, Tito Paris, Betù et Téofilo Chantre sont les auteurs de mornas inoubliables.
Les interprètes sacrés de la morna sont sans conteste Bana (élève assidu de B.Leza), Césaria Evora et Ildo Lobo mais, plus récemment, des artistes comme Maria Alice ou Mayra Andrade prouvent que la morna n'est pas prête de mourir.